Carême, Maurice Nous remercions la Fondation Maurice Carême pour son aide Fleurit l'aubépin Voici le retour Des marchands forains Et qu'un gai soleil Pailleté d'or fin Eveille les bois Du pays voisin Est-ce le printemps Qui cherche son nid Sur la haute branche Où niche la pie ? C'est mon coeur marqué Par d'anciennes pluies Et ce lent cortège D'aubes qui le suit. Des oeufs dans la haie Fleurit l'aubépin Voici le retour Des marchands forains. Et qu'un gai soleil Pailleté d'or fin Eveille les bois Du pays voisin Est-ce le printemps Qui cherche son nid Sur la haute branche Où niche la pie ? C'est mon coeur marqué Par d'anciennes pluies Et ce lent cortège D'aubes qui le suit. René-Guy Cadou Derniers soleils de la saison ! A sept ans comme il faisait bon, Après d'ennuyeuses vacances, Se retrouver dans sa maison ! La vieille classe de mon père, Pleine de guêpes écrasées, Sentait l'encre, le bois, la craie Et ces merveilleuses poussières Amassées par tout un été. 0 temps charmant des brumes douces, Des gibiers, des longs vols d'oiseaux, Le vent souffle sous le préau, Mais je tiens entre paume et pouce Une rouge pomme à couteau. René Guy Cadou Je me souviens du grand cheval Qui promenait tête et crinière Comme une, grappe de lumière Dans la nuit du pays natal. Qui me dira mon chien inquiet, Ses coups de pattes dans la porte, Lui qui prenait pour un gibier Le tourbillon des feuilles mortes? Maintenant que j’habite en ville Un paysage sans jardins, Je songe à ces anciens matins Tout parfumés de marguerites. René Guy Cadou Des chevaux et des chiensLes chevaux et les chiens Parlent mieux que les hommes Et savent de très loin Reconnaître le ciel Ils n’ont pour eux que l’herbe Et la grave tendresse Des bêtes qui remuent Tristement le passé Mais dans leurs yeux inquiets Des choses et des hommes Passe parfois l’éclair D’une saison future. René-Guy Cadou Feu Devant lequel je suis seul ce soir Avec mes mains et cette armure végétale Où se brise mon sang Profitons du moment Pour tout dire Steppe rouge beauté Lassos de tendre chair Je suis le cavalier qui traverse cet air Où le fauve bondit dans les cercles des flammes Feu sur moi sur mon front Dans mes yeux difficiles Et sur la vitre lourde éclaboussée d’embruns. René-Guy Cadou Une lampe naquit sous la mer Un oiseau chanta Alors dans un village reculé Une petite fille se mit à écrire Pour elle seule Le plus beau poème Elle n'avait pas appris l'orthographe Elle dessinait dans le sable Des locomotives Et des wagons pleins de soleil Elle affrontait les arbres gauchement Avec des majuscules enlacées et des cœurs Elle ne disait rien de l'amour Pour ne pas mentir Et quand le soir descendait en elle Par ses joues Elle appelait son chien doucement Et disait "Et maintenant cherche ta vie." Verdoyante fumée Demain je serai l'arbre Et pour les oiseaux froids La cage fortunée Les grandes migrations Sont parties de ma bouche De mes yeux plein d'épis Les éclairs de santé Je te suis dans l'air bleu Flèche douce à la paume Bel arbre que j'éveille Au bord de mes genoux Tronc si blanc qu'il n'est plus Qu'une neige attentive Tu courbe vers le toit Tes brandons de lumière ta sève jour et nuit Chante dans les gouttières On te fête déjà Dans les rues de villages Ainsi qu'une saison Inconnue de la terre Et toi dans les sillons Sans borne où les perdrix Gaspillent pour la joie Des poignées de sel gris Tu marches répondant De la douceur des pierres. René-Guy Cadou Le vent Passait, pleurant. L'acacia dit : " Vent d'automne Au front gris Tu t'ennuies. Je te donne Mes feuilles, Prends, cueille Et va jouer au volant Avec ton amie La pluie. Le printemps En son temps M'en fera de plus jolies. " Nous remercions la Fondation Maurice Carême pour son aide Lorsque danse une goutte d'eau ! Un ange parfois joue aux billes, Une étoile tombe au ruisseau. On ne sait jamais quel manteau De fée courant dans les jonquilles On peut coudre avec une aiguille En rêvant derrière un carreau. Maurice Carême Étranges fleursL'automne met dans les lilas D'étranges fleurs que nul ne voit, Des fleurs aux tons si transparents Qu'il faut avoir gardé longtemps Son âme de petit enfant Pour les voir le long des sentiers Et pour pouvoir les assembler En un seul bouquet de clarté Comme font, à l'aube, les anges Maurice CarêmeLes mains pleines d'étoiles blanches... Un nuage, parmi les autres, Reforme sans cesse un visage. Il promène sur les villages Un regard dont il ne sait rien, Et s'il sourit au paysage, Ce sourire n'est pas le sien. Mais l'homme qui le voit sourire Et qui sourit à son passage, En sut-il jamais davantage ? Maurice Carême Chaque nuit, le bouleau Du fond de mon jardin Devient un long bateau Qui descend ou l'Escaut Ou la Meuse ou le Rhin. Il court à l'Océan Qu'il traverse en jouant Avec les albatros, Salue Valparaiso, Crie bonjour à Tokyo Et sourit à Formose. Puis, dans le matin rose Ayant longé le Pôle, Des rades et des môles, Lentement redevient Bouleau de mon jardin. Maurice Carême Il pleut doucement, ma mère, Et c’est l’automne Si doucement Que c’est la même pluie Et le même automne Qu’il y a bien des ans. Il pleut et il y a encore, Comme il y a bien des ans, Combien de cœurs au fil de l’eau Et combien de petits sabots Rêvant au coin de l’âtre. Et c’est le soir, ma mère, Et tes genoux sont là Si près du feu Que c’est le même soir Et les mêmes genoux Qu’il y a bien des ans. Il pleut doucement, ma mère, Et c’est l’automne Et c’est le soir, ma mère, Et tes genoux sont là. Prends-moi sur tes genoux, ce soir, Comme il y a bien des ans Et raconte-moi l'histoire De la Belle au bois dormant. Maurice Carême Bon Dieu ! que de choses à faire! Enlève tes souliers crottés, Pends donc ton écharpe au vestiaire, Lave tes mains pour le goûter, Revois tes règles de grammaire. Ton problème, est-il résolu ? Et la carte de l'Angleterre, Dis, quand la dessineras-tu ? Aurai-je le temps de bercer Un tout petit peu ma poupée, De rêver, assise par terre, Devant mes châteaux de nuées ? Bon Dieu ! que de choses à faire Maurice Carême J’aime ma sœur Pour ses yeux clairs J’aime mon frère Pour sa candeur J’aime mon père Pour sa douceur Et je ne dois Sûrement pas Dire pourquoi J’aime ma mère. Je me demande Même parfois Si je ne l’aime Pas plus que moi. N’est-elle pas La vraie lumière Qui nous éclaire, Ma sœur, mon frère, Mon père et moi? Maurice Carême Mon père aimé, mon père à moi, Toi qui me fais bondir Sur tes genoux Comme un chamois, Que pourrais-je te dire Que tu ne sais déjà ? Il fait si doux Quand ton sourire Eclaire tout Sous notre toit. Je me sens fort, je me sens roi, Quand je marche à côté de toi. Maurice carême - Ton coeur, Mais c'est une noisette, Prétend ma cousine Antoinette. - Ton coeur, Mais c'est du massepain, Me dit souvent parrain. - Ton coeur, Mais c'est du beurre, Me répète à toute heure Tante Solange. Moi, je veux bien, Mais je ne veux pas qu'on le mange : J'y tiens ! Maurice Carême Le chat et le soleilLe chat ouvrit les yeux,Le soleil y entra. Le chat ferma les yeux, Le soleil y resta. Voilà pourquoi, le soir, Quand le chat se réveille, J'aperçois dans le noir Deux morceaux de soleil. Maurice Carême Avec ma gomme, dit l’enfant -La gomme que j’ai dans le cœur- Je puis rayer tous les malheurs. Avec ma gomme, dit l’enfant, Je pourrais faire disparaître L’univers et tous ses vivants. Mais qui jamais sur cette terre -Fût-il le Dieu le plus fûté - Serait capable d’effacer Avec sa gomme de lumière Le beau visage de ma mère Du livre de l’éternité ! Maurice Carême J’ai de toi une image Qui ne vit qu’en mon cœur. Là, tes traits sont si purs Que tu n’as aucun âge. Là, tu peux me parler Sans remuer les lèvres, Tu peux me regarder Sans ouvrir les paupières. Et lorsque le malheur M’attend sur le chemin, Je le sais par ton cœur Qui bat contre le mien. Maurice Carême C'était deux petits éléphants, Deux petits éléphants tout blancs. Lorsqu'ils mangeaient de la tomate, Ils devenaient tout écarlates. Dégustaient-ils un peu d'oseille, On les retrouvait vert bouteille. Suçaient-ils une mirabelle, Ils passaient au jaune de miel. On leur donnait alors du lait : Ils redevenaient d'un blanc tout frais. Mais on les gava, près d'Angkor, Pour le mariage d'un raja, D'un grand sachet de poudre d'or. Et ils brillèrent, ce jour-là, D'un tel éclat que plus jamais, Même en buvant des seaux de lait, Ils ne redevinrent tout blancs, Ces jolis petits éléphants. Maurice Carême Avez-vous vu le dromadaire Dont les pieds ne touchent pas terre? Avez-vous vu le léopard Qui aime loger dans les gares? Avez-vous vu le vieux lion Qui joue si bien du violon? Avez-vous vu le kangourou Qui chante et n'a jamais le sou? Avez-vous vu l'hippopotame Qui minaude comme une femme? Avez-vous vu le perroquet Lançant très haut son bilboquet? Avez-vous vu la poule au pot Voler en rassemblant ses os? Mais moi, m'avez-vous bien vu, moi, Que personne jamais ne croit? Maurice Carême Prenez du soleilDans le creux des mains, Un peu de soleil Et partez au loin! Partez dans le vent, Suivez votre rêve ; Partez à l'instant, La jeunesse est brève ! Il est des chemins Inconnus des hommes, Il est des chemins Si aériens ! Ne regrettez pas Ce que vous quittez. Regardez, là-bas, L'horizon briller. Loin, toujours plus loin, Partez en chantant ! Le monde appartient A ceux qui n'ont rien. Maurice Carême Le matin compte ses oiseaux Et ne retrouve pas son compte. Il manque aujourd'hui trois moineaux, Un pinson et quatre colombes. Ils ont volé si haut, la nuit, Volé si haut, les étourdis, Qu'à l'aube ils n'ont plus trouvé trace De notre terre dans l'espace. Pourvu qu'une étoile filante Les prenne sur sa queue brillante Et les ramène ! Il fait si doux Quand les oiseaux chantent pour nous. Le brouillard a tout mis Dans son sac de coton ; Le brouillard a tout pris Autour de ma maison. Plus de fleur au jardin, Plus d’arbre dans l’allée ; La serre du voisin Semble s’être envolée. Et je ne sais vraiment Où peut s’être posé Le moineau que j’entends Si tristement crier. Maurice Carême |
vendredi 7 octobre 2011
poésie de Maurice Carême
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